Né en 1944 à Orléans. De formation autodidacte, Bernard Foucher est peintre, graveur, sculpteur, auteur de vitraux depuis une trentaine d’années. Entre 1974 et 1986, il réalise de très nombreux ensembles en dalles de verre aux ateliers de l’abbaye de Fleury, à Saint-Benoît-sur-Loire (Loiret). Ses œuvres d’art sacré, mobilier liturgique et objets cultuels, sont autant de sculptures. Les œuvres Alphabet Existentiel, débutées en 1973, sculptures-signes en acier découpé, ont donné leur nom aux éditions de livres d’artistes que Bernard Foucher a créées en 1999, grâce à sa rencontre avec le poète Michel Lagrange et l’imprimeur-typographe Jean Hofer. La volonté de « rendre mémoire » traverse ses différentes expressions : en peinture, de grandes toiles, laissées libres de châssis, sont des empreintes teintées (abbaye de Léoncel (Drôme), 2000) ; « à travers les sculptures-stèles, on rejoint l’idée de mémoire, de signe vivant lié aussi bien à la vie qu’à la mort. » ; Mémoire et Mémorial sont deux livres-stèles, hommage aux victimes de l’ex-Yougoslavie (2001).
C’est la découverte du livre Les vérités d’un fleuve, qui a conduit le père Laurent, curé de la paroisse de Notre-Dame-des-Foyers d’Orléans, à s’adresser à Bernard Foucher pour réaliser l’ensemble de vitraux dédié aux sept moines trappistes de Tibhirine (Algérie), assassinés en 1996 (48 vitraux exécutés aux ateliers Loire, 2004). Les vérités d’un fleuve se composent d’une aquarelle continue de plus de six mètres inspirée du texte de Michel Lagrange sur la Loire (éd. Alphabet Existentiel, 2001), dont on retrouve l’esprit de déploiement dans les vitraux de la nef. « J’ai essayé de concevoir la grande verrière et le lieu de mémoire de cette église un peu comme un livre. » Ainsi, Bernard Foucher choisit les textes, extraits de lettres des frères et de poèmes du frère Christophe, en raison de leur portée poétique ou prémonitoire, afin de parler au plus grand nombre, au-delà des confessions. La graphie et la disposition de ces poèmes ont été respectées et traduites en « écriture de lumière » (par enlevés de grisaille). Conçues pour être lues de bas en haut ou de gauche à droite, les phrases s’associent de différentes manières, pour nous dire par exemple, que « la lumière n’est pas inaccessible, simplement à hauteur d’enfant, elle ne demande qu’à s’offrir ». « Pour ce chantier j’avais vraiment envie de trouver une technique qui corresponde à mon désir d’espace et de pureté, qui m’affranchisse totalement de la contrainte du découpage par le plomb, ciment ou résine, pour intervenir sur le vitrail comme un peintre. Je me suis retrouvé dans la position de mes débuts, quand j’ai commencé la dalle de verre, celle de construire un langage. Je tenais à ce que les textes des moines de Tibhirine soient très présents. J’ai fait œuvre de modestie dans les couleurs et l’intervention plastique, de manière à ce qu’il y ait un équilibre entre texte et couleur, afin que les vitraux amènent à la réflexion et la possession personnelle de ces textes. »
Bernard Foucher connaît les possibilités du verre industriel peint et surcuit employé ici, grâce à l’œuvre de Louis-René Petit, rencontré aux ateliers de Saint-Benoît. « La technique des verres industriels thermoformés deviendra une tendance majeure, c’est un domaine intéressant où on ne maîtrise pas tout, et où il y a encore à découvrir. » De très nombreux essais ont été menés avec Bruno Loire pour atteindre la qualité de nuances et de limpidité des maquettes aquarellées, obtenue par superpositions de deux grisailles et d’un émail en cuissons successives, passées à l’aérographe pour l’unité de l’ensemble puis au pinceau. « Il est évident que le côté restreint de la palette de grisailles amène à densifier et simplifier votre technique. Dans mon travail de vitraux, j’ai besoin d’espace. Je travaille avec l’espace et j’évite qu’il soit trop fermé, trop coloré, quitte à avoir une apparente simplicité. Je cherche à amener le regard les fidèles à rentrer dans un espace spirituel, un espace de la couleur : un voyage de l’esprit. »
De cette expérience est née l’idée des sculptures-livres ou Livres de Lumière, réalisée en 2005 avec la même technique verrière. « Je trouve que la poésie et l’écrit demandent à être mis en lumière dans une présentation particulière. C’est une structure en bois peint et gravé qui forme un tout où le texte peut être lu en transparence. Les Livres de Lumière, comme les sculptures Habitacles, sont des sculptures-lieux dans lesquelles on pourrait presque rentrer, se réfugier et méditer, avoir tout un environnement pénétrant, comme c’est le cas d’une église, d’une architecture. » La graphie est celle des poètes, reprise au plus près par l’artiste. Le bleu accompagne la poésie d’Hélène Cadou, ici dans le verre comme dans les livres : « il y a quelque chose de très intérieur quand on rentre dans cette couleur ». Le brun est choisi pour le vitrail avec le poème de Michel Lagrange : « L’ombre ajoutée à l’ombre émet de la lumière ».