Problèmes de conservation et de mise en valeur – Patrice Calvel, Architecte en Chef des Monuments historiques – Gallardon
L’approche de la conservation-restauration et de la mise en valeur de l’église de Gallardon est à prendre aussi en compte dans un programme de pure création. Dans l’esprit du public, avoir restauré les vitraux d’une église peut aussi signifier avoir posé de nouveaux vitraux. On doit rappeler que des vitraux existaient, mais qu’il a été jugé souhaitable qu’ils soient déposés (1990), puis replacés dans des baies des transepts et de la nef (1997). À cette occasion des fragments de la vitrerie d’origine ont été redécouverts et sont venus confirmer les intuitions des archéologues quand aux ressemblances entre le chœur de Gallardon et celui de l’église Saint-Pierre de Chartres, y compris pour le décor en vitrail. Le style des grisailles conservées à Gallardon est identique à celui des grisailles de Saint-Pierre de Chartres.
Description des ouvrages
L’élévation inférieure du chœur est à 3 niveaux, grandes arcades, triforium et fenêtres hautes. La distribution des 3 chapelles, en faisant alterner les travées du déambulatoire, avec chapelle attenante et sans chapelle, a justifié, dans l’implantation des supports des grandes arcades, la juxtaposition de travées larges (en vis-à-vis des chapelles), et de travées étroites (en vis-à-vis de travées de déambulatoire sans chapelle…)
Dans les parties hautes de l’abside, cette alternance de travées larges et de travées étroites est exprimée par la variation du rythme des lancettes des baies hautes, et, au niveau inférieur, par la variation du nombre d’arcatures du triforium.
Travée large : baies hautes à 3 lancettes et triforium à 3 arcatures. Travée étroite : baies hautes à 2 lancettes et triforium à 2 arcatures.
Le maître d’œuvre a eu à cœur de juxtaposer verticalement lancette et arcature du triforium.
Seule la baie d’axe ne semble pas participer complètement à ce mode de composition. Elle appartient à une travée large, avec un triforium à 3 arcatures, mais ne se compose que de 2 lancettes. Ces dernières sont donc plus larges que celles d’une travée étroite. Ce tracé pouvait donc permettre de hiérarchiser ces travées, en mettant en valeur la baie d’axe.
Les 2 travées droites du chœur, les plus larges, sont ornées de baies à 4 lancettes et d’une galerie de triforium à 4 arcatures …
La galerie du triforium, qui forme l’adossement de la toiture du bas-côté, était percée, à chaque travée, d’une large baie, aujourd’hui murée. Des sondages réalisés dans le bouchement des baies ne révèlent ni feuillures, ni ouvrages susceptibles de recevoir des vitraux, du type meneaux et réseaux. Il s’agissait donc de simples jours assurant la ventilation du comble.
Le plan du chœur bénédictin d’un édifice de pèlerinage, avec alternance de chapelles et de travées de déambulatoire sans chapelle, permettait à la fois d’assurer l’éclairage direct du déambulatoire (1 baie par travée de déambulatoire sans chapelle), et de trouver les espaces nécessaires au culte des reliques (chapelles sud à 3 baies, chapelle d’axe et chapelle nord à 5 baies.
Dans le chœur, la distribution de la lumière était donc la suivante : 1er niveau : second jour du déambulatoire : 2e niveau : étage sombre – ventilation du comble : 3e niveau : jour direct – fenêtres hautes.
Orientations pour un programme de création :
« … Le parti retenu propose d’assurer la dépose des verrières hautes du chœur, pour les remplacer par un programme de création cohérent, qui prenne en compte l’ensemble de ces baies hautes.
Des baies hautes XIXe de Lorin, seront tout particulièrement conservés les panneaux de personnages, pour réemploi dans les baies basses du chœur…
… La solution de base envisage de replacer, dans les baies basses, de grands personnages issus et conçus pour les baies hautes. Pour éviter cette incohérence, il est envisagé, en variante, de déposer tous les vitraux du chœur (baies hautes et basses) et de leur substituer une campagne complète de création. »
Le projet propose de retenir les principaux caractères du vitrail de la 2e moitié du XIIIe siècle (verrières mixtes, attestées par les vestiges conservés dans la baie 108), comme guide de la création, de sorte à obtenir une échelle et une intensité colorée en harmonie avec l’architecture concernée.
Baies hautes : alternance de lancettes de grisaille et de lancettes en pleine couleur – Création.
Composition : individuellement, lancette par lancette
lancette grisaille : superposition de panneaux répétitifs carrés
lancette pleine couleur : superposition de 2 motifs, élancement vers le haut.
Les verrières devront former un ensemble continu et cohérent, avec progression d’intensité de la croisée vers la baie d’axe.
Formes et graphisme
lancette grisaille : tracé linéaire géométrique, centré
lancette pleine couleur : encadrement géométrique (nimbe) opposé à la souplesse des formes intérieures (draps, phylactères).
C’est en deux temps, les baies hautes tout d’abord puis les baies basses ensuite, que la décision fut prise de renouveler l’ensemble du décor vitré du chœur. Aujourd’hui, il faut tenir compte de la réinsertion des vitraux Lorin dans les fenêtres des transepts et de la nef, des vitreries de la façade(en cours de réfection) et peut être déjà envisager des vitraux pour la chapelle. Le programme formel et le programme iconographique restent à préciser ou même à remettre en question et à reprendre totalement. Enfin quelques panneaux anciens et fragments de la vitrerie d’origine soulèvent la question de leur maintien in situ et de leur voisinage avec des vitraux contemporains, ou bien d’un dépôt et une présentation dans un musée.
Sources :
Étude préalable
Restauration des baies du chœur
Benjamin Mouton ACMH – Février 1990
Étude complémentaire n° 16/90 bis
Proposition d’implantation des vitraux XIXe dans les baies de la nef
Benjamin Mouton ACMH – Mai 1992